gerco a écrit : ↑jeu. 25 sept. 2025 7:34
Philippe Da Silva : « Le basket, c’est toute ma vie »
Philippe Da Silva, entraîneur du SQBB.
Le coach. À l’aube de sa première saison sur le banc du SQBB, Philippe Da Silva se confie sans détour. Héritage de Nanterre, le défi de succéder à Julien Mahé, ses valeurs de travail et de partage, son rapport aux émotions et au public saint-quentinois : l’entraîneur se raconte, avec sincérité et passion.
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Philippe, la saison de Betclic Élite va commencer. Quels sont vos sentiments au moment d’attaquer cette nouvelle aventure ?
Beaucoup d’excitation. On va enfin rentrer dans le vif du sujet. Le championnat, la compétition, c’est ce qui nous anime au quotidien. La préparation, c’est bien, ça permet de voir comment l’équipe se comporte dans différents scénarios, mais rien ne remplace cette adrénaline de la compétition.
Justement, comment jugez-vous ces matches de préparation, parfois difficiles ?
Il a d’abord fallu apprendre à se connaître, à se découvrir. Oui, en termes de résultats, on aurait pu espérer mieux. Mais je préfère raisonner en progression, et je crois que l’équipe avance. On a vu de belles choses, d’autres moins, mais c’était volontaire : je voulais une préparation difficile, pour voir comment le groupe allait réagir. Parce que c’est dans l’adversité qu’on révèle son vrai visage.
On n’a jamais pris de gros éclats, et ça montre une volonté commune d’aller de l’avant. Vendredi dernier encore, après un début de match raté, les joueurs ont su réagir avec force. Le tout porté par une ambiance phénoménale. Je le savais avant d’arriver : ici, à Saint-Quentin, le public est unique.
Vous avez confié que, après
la saison compliquée vécue
à Nanterre, seul un club comme
le SQBB pouvait vous donner aussitôt l’envie et la force de retrouver un banc. Pourquoi ?
Parce que ce club, cette ville, et surtout les personnes qui composent le staff, collent parfaitement aux valeurs qui me guident au quotidien. Dès le premier jour, Laurent e t Marlène (Prache, NDLR) ont fait preuve d’une attention incroyable envers ma famille et moi. Ils sont revenus de vacances pour m’accueillir, me faire visiter la ville. Quant au staff déjà en place, ils ont tout fait pour me faciliter la tâche.
C’est donc avant tout une histoire de valeurs partagées entre un club, une ville et un entraîneur ?
Oui. Je suis quelqu’un qui aime donner, et je dis toujours qu’il faut donner avant de recevoir. C’est une éducation que j’ai reçue. Ici, j’ai senti que cette philosophie et ma vision du basket pouvaient s’exprimer pleinement. C’est pour ça que je donnerai tout pour que l’équipe progresse, qu’elle transmette du plaisir aux gens.Parce qu’ils le méritent »
Vous avez déjà succédé
à Pascal Donnadieu à Nanterre. Aujourd’hui, vous arrivez après Julien Mahé à Saint-Quentin. Comment vit-on ce genre d’héritage ?
Quand vous arrivez après des entraîneurs qui ont marqué un club et obtenu des résultats et du succès, les gens gardent surtout les bons souvenirs. Les comparaisons sont inévitables, surtout dès qu’on traverse une période difficile. C’est normal. L’intersaison a apporté beaucoup d’incertitudes, on ne connaît pas les joueurs, le coach, mais je savais en venant ici que ce défi ferait partie du chemin. Mais moi ça ne me touche pas, car je suis une personne qui travaille, qui se remet en question au quotidien et je suis en osmose avec le président.
Cette osmose, vous ne l’aviez pas ressentie de la même façon
à Nanterre ?
Rien ne sert de refaire le passé. Je garde surtout de très bons souvenirs de mes sept années à Nanterre. Ça restera toujours une partie importante de ma vie. Là-bas, j’ai toujours essayé de trouver les bons leviers pour que l’équipe ne s’écroule jamais. On aurait pu basculer dans la difficulté, mais j’ai tout fait pour que le groupe reste uni et continue d’avancer ensemble.
Après, je ne vais pas mentir : on fait tous des erreurs. Cela n’a pas été facile tous les jours. Mais c’est la vie qui est ainsi. C’était ma première expérience, et elle m’a fait grandir comme coach mais aussi comme homme. Personne n’est parfait, et moi aussi j’ai peut-être fauté en accordant trop de confiance à certains.
Avec le recul, qu’est-ce que vous auriez aimé faire différemment
à Nanterre ?
Avec le recul, je pense que j’aurais dû m’imposer beaucoup plus tôt sur certaines choses. Ça m’aurait peut-être évité de me retrouver en difficulté dans certaines situations vécues la saison dernière. Le fait d’avoir été assistant pendant six ans, le fait aussi de faire naturellement confiance aux gens… ça m’a joué des tours. Je sais que, par ma personnalité, je n’ai pas su m’affirmer à certains moments, quitte à être en désaccord. Et ça, je le considère aujourd’hui comme une erreur.
On vous sait amateur de sport en général, mais le basket, c’est votre passion première. Qu’est-ce qu’il représente vraiment pour vous ?
Le basket, c’est toute ma vie. Avec ma famille et mes amis proches, ce sont mes deux piliers. J’aime beaucoup d’autres sports, mais si on me dit de regarder vingt matches de basket dans la même journée, je le fais sans hésiter. J’ai la passion du jeu, du partage et du don de soi. Quand un entraînement ou un match se passe mal, ça me hante, je dors mal. Je cherche toujours à comprendre, à trouver des réponses. Ça me pèse, mais c’est aussi ce côté passionnel qui me pousse à avancer et à rester moi-même.
Quand on vit le basket avec autant d’intensité que vous, comment fait-on pour gérer les moments difficiles, les défaites, les nuits sans sommeil et sa famille ?
Dans ces moments-là, j’essaie de communiquer avec ma famille, de les rassurer et de les aiguiller face à la critique facile. En tant que coach, on est toujours en première ligne, mais eux aussi en ressentent les effets Et bien souvent, ces critiques viennent d’une méconnaissance de notre métier, de la difficulté qu’il représente. La solitude, oui, elle existe. On est assez isolé. C’est pour ça que la famille et les amis proches sont essentiels : ils sont là pour écouter, pour échanger, pour apporter cette bienveillance qui permet de tenir malgré tout.
Vous parlez de solitude…
Est-ce que c’est le prix à payer pour être entraîneur principal ?
Je ne sais pas… Parfois, on se pose des questions (rires). Le plus difficile, c’est de faire passer ses messages, d’installer le basket et la vision qui t’animent. Je sais qu’il faut du temps, mais dans le sport professionnel, on n’en a pas beaucoup.
On est jugé sur les résultats immédiats. Alors oui, parfois je me demande si j’arriverai à transmettre ça. Néanmoins, je ne veux pas déroger à ce que je pense au quotidien, si les joueurs progressent individuellement, l’équipe progressera collectivement. Ma volonté est claire : être derrière eux, les pousser, parce que ce qui me fait vibrer, c’est de les voir grandir.
Votre slogan, c’est bien “il faut donner avant de recevoir ” ?
Exactement. On l’a vu vendredi face à Bonn : on n’a pas été au niveau en début de match. Vous avez vu la salle ? J’ai dit aux joueurs : il faut donner avant de recevoir. Oui, c’est vraiment le moteur qui me guide. C’est un échange, une communion avec le public.
Qu’est-ce que cette ferveur particulière à Saint-Quentin représente pour vous ?
C’est précisément ce qui m’a fait venir ici. La proximité, la bienveillance des gens… Quand tu arrives dans cette salle et que tu entends ton nom ou celui des joueurs repris par les tribunes, ça te donne quelque chose. Vendredi, quand on est revenu au score, je me suis tapé sur la poitrine, j’ai eu la chair de poule. Mais ça amène une responsabilité : tu n’as pas le droit de décevoir ces gens-là. Tu dois leur rendre ce qu’ils t’offrent. Et c’est ça qui est beau : quand le public a la chair de poule, l’équipe se transforme
Vous insistez beaucoup sur la notion de communion. Pour vous, c’est essentiel qu’une équipe dégage des émotions, autant que des résultats ?
L’émotion est la partie la plus importante de notre sport et du sport de haut niveau mais aussi de la vie. .. Parfois, même après une défaite, les gens sont tristes mais fiers parce qu’ils ont vu une équipe se battre jusqu’au bout. Et c’est exactement ça que je veux redonner, que mon équipe dégage cette émotion, qu’elle transmette cette intensité-là à nos supporters. Comme en deuxième mi-temps l’autre soir, c’est ce visage-là que je veux montrer.
Le jour où vous rangerez votre tableau tactique, quelle trace aimeriez-vous laisser dans le basket ?
Une personne humble et travailleuse. Ma carrière aurait peut-être été différente si j’avais été un peu plus égoïste. Mais je ne regrette rien, j’ai rencontré des gens exceptionnels partout où je suis passé, même dans les moments difficiles.
À Boulazac, j’ai été viré en tant que joueur, mais quand j’y retourne, les gens m’accueillent toujours avec respect. Je n’ai aucune rancune, même vis-à-vis de cette période compliquée. Pareil l’an dernier, malgré une saison galère, les gens m’ont toujours témoigné leur confiance et leur bienveillance. Et au final, c’est ça que je veux qu’on retienne de moi : au-delà des résultats, avoir gardé intact ce lien humain.
J’ai de la bienveillance, je suis une personne simple. Honnêtement, je serais incapable de citer les trente derniers coachs champions de France. Mais je peux dire qui a marqué des générations de joueurs, simplement grâce à leurs qualités humaines. Et c’est à cette catégorie-là que j’aimerais appartenir.