Mémoires d'un touriste par Stendhal
Je ne pensais pas y revenir... Comment revenir à un auteur une fois qu'on a lu la quintessence de la littérature... Comment se remettre à le lire après la Chartreuse?...
Serait-ce le fait d'avoir découvert notre dernier prix Nobel qui m'a fait prendre conscience qu'il y'avait sans doute autre chose à lire en ce monde et qu'a défaut de la Chartreuse, la moindre ligne de Stendhal m'apporterait plus que des billevesées mondaines sorties toute droite de l'ambassade d'URSS?....
Donc après les romans, Stendhal en voyage... Et pas en Italie mais en France...
On n'atteint pas les cimes des romans, mais quand même, qu'il est agréable de se retrouver à lire un auteur qui a de la conversation, des choses à dire, une vision de l'existence, quelque chose qui ne tourne pas autour d'un petit narcissisme ridicule, que ce soit à l'ambassade d'URSS ou ailleurs... Même si on ne manque pas d'ego...
Retrouver une ironie mordante, savoir provoquer le lecteur, mais pas seulement, lui faire prendre conscience du ridicule des petites convenances des conversations de salons parlant de "la belle France" quand les propos émanent de personnes qui n'ont guère quitter leurs salons justement et n'ont pas pu constater combien parfois la France pouvait être moche.... Lui n'a pas ces pudeurs, quand c'est moche, c'est moche....
Décrire une époque, des moeurs, des métiers, l'état des routes, des fleuves, d'une société, de ce qui est entrepris par un nouveau régime qui visiblement à la faveur de l'auteur, à savoir la Monarchie de Juillet et constater combien est ridicule justement cette croyance politique qui ne survivra pas même une génération quand les paysages eux survivent...
Rentrer dans les anecdotes, souvent magnifiques comme celle de l'Empereur rentrant de l'Ile d'Elbe par les Alpes à quelques encablures de Grenoble et qui tombe sur l'armée qui l'attend avec à sa tête un de ses anciens grognards...
Savourer la mauvaise foi de l'auteur décrivant émerveillé sa ville, la montagne, décrivant avec précision une expédition en Chartreuse quand au début de l''ouvrage il éreinte, et de quelle façon, la ville de Lyon, sa société, son étroitesse....
Mais aussi la lucidité fantastique d'avoir su distinguer dès l'époque où il les a lus les plus grands écrivains de l'époque, Balzac, Chateaubriand, Lamennais même si la postérité de ce dernier sera moindre que celle des deux premiers, mais la façon dont il en parle, sur le vif, montre qu'il voit ce qu'il y'a de plus difficile à réaliser de son vivant, identifier les oeuvres qui marquent sa propre époque et qui perdureront... Peu nombreux sont ceux qui en sont capables... Beaucoup plus ceux qui se vautrent dans le conformisme du présent et célèbrent un goût qui disparaît aussi vite que celui de leur génération....
Stendhal est un génie, il est rare qu'on en trouve deux par siècle, il est encore plus rare de faire preuve d'autant d'habileté à créer des romans qu'on lira encore au vingt deuxième siècle comme des témoignages tout simple de ses voyages... On n'atteint bien évidemment pas les hauteurs des romans mais on passe un temps merveilleux à suivre les disgressions d'un esprit libre, ayant bien évidemment des opinions arrêtées qui seront démenties, mais ce fut un vrai bonheur d'aller des forêts d'Ile de France en passant par la Bourgogne en ayant traverser le Gâtinais avant de descendre à Lyon le temps d'y mettre le feu, puis longer la vallée du Rhône, beaucoup plus inspirante, remonter par le Morvan pour ensuite descendre la Loire et parler avec beaucoup d'admiration de Nantes.... En finir avec l'Antiquité à Nîmes et au Pont du Gard, se retrouver chez soi en Dauphiné....
Plaisir et bonheur de lire renouvelés à chaque fois...