Pourquoi les LR ne m'intéressent à peine plus que les gauchos:
Le Point - Delhommais : la droite la plus bête du monde...
Les Républicains ont jeté aux orties "la rupture radicale" sur le plan économique que proposait François Fillon. Le signe d'un manque de courage politique.
https://www.lepoint.fr/tiny/1-2128233
Marine Le Pen a payé très cher, au second tour de l'élection présidentielle, son incompétence économique et notamment sa tentative grotesque de salto monétaire arrière sur la sortie de l'euro. Il faut espérer pour Les Républicains et le Parti socialiste que les Français ne sanctionnent pas aussi durement, lors des législatives, les volte-face économiques que ces deux partis viennent d'effectuer.
Les mesures phares du projet qu'avait présentées Benoît Hamon n'ont pas survécu à son score miséreux de décroissant anémié. Le revenu universel d'existence comme les taxes sur les robots ou sur les superprofits des banques ont été soigneusement enterrés, aux côtés des perturbateurs endocriniens et du « 49.3 citoyen ». Le programme présidentiel aussi ambitieux et original qu'irréaliste de Benoît Hamon s'est transformé en un programme législatif totalement creux dont il est sérieusement permis de se demander, à le lire, si le PS n'en a pas commandé la rédaction, par souci d'économies, à des étudiants particulièrement peu motivés et peu doués.
C'est également avec beaucoup d'énergie que Les Républicains ont choisi de passer à la paille de fer le programme de François Fillon, qui se proposait précisément de passer à la paille de fer les structures de l'économie française. Exit la suppression en cinq ans de 500 000 postes de fonctionnaire, exit le grand choc de compétitivité et la baisse de 35 milliards d'euros des impôts et charges des entreprises, exit la hausse de 2 points de la TVA, exit la disparition des 35 heures.
Incohérence
Le complet détricotage du projet économique de M. Fillon est, de la part des Républicains, une façon de reconnaître a posteriori qu'ils le jugeaient inapplicable et dangereux. Ce qui signifie que tous les dirigeants de droite qui, pendant des mois, ont défilé à la télévision pour expliquer aux Français que le programme de leur candidat était formidable et le seul en mesure de redresser l'économie ne pensaient pas un mot de ce qu'ils disaient. Un tel aveu de mensonge enlève à l'avance pas mal de crédibilité à la parole des mêmes dirigeants qui vantent aujourd'hui les vertus supérieures supposées du nouveau projet économique bâti à la hâte par Les Républicains en vue des législatives.
Le programme de François Fillon trouvait sa cohérence dans sa radicalité et sa « brutalité » mêmes, justifiées, selon le vainqueur de la primaire de la droite, par la gravité de la situation économique de la France, par ses niveaux record de dette publique, de chômage et de déficit commercial et par la nécessité d'agir en force, en urgence et en profondeur.
En l'élaguant à la tronçonneuse d'un côté tout en continuant de l'autre à dénoncer l'état catastrophique de l'économie française, François Baroin et Éric Woerth proposent désormais un projet législatif d'une grande incohérence. Incohérence très bien symbolisée par le double objectif intenable de baisser massivement les impôts et de ne pas laisser filer les déficits publics. Par ses approximations budgétaires, la nouvelle version de leur programme économique expose Les Républicains aux critiques de flou et d'ambiguïté qu'eux-mêmes ne manquaient pas d'adresser, depuis des mois, à celui d'Emmanuel Macron.
Adieu l'ordolibéralisme allemand
Le projet de François Fillon n'a pas seulement été vidé de sa substance, c'est sa philosophie générale qui a été jetée aux orties. Celle-ci, contrairement à ce qui a beaucoup été dit et écrit, était bien moins inspirée par l'ultralibéralisme thatchérien que par l'ordolibéralisme allemand, selon lequel une économie de marché et de libre concurrence ne peut fonctionner efficacement qu'avec des comptes publics bien tenus, un État-providence et des politiques sociales financés par des excédents budgétaires et non par l'emprunt et les déficits.
Résolument indifférent au niveau de la dette publique, le nouveau projet des Républicains tourne le dos à l'austère ordolibéralisme allemand et aux efforts collectifs que celui-ci exige, pour se rapprocher d'un libéralisme à l'américaine, reaganien, dans lequel la baisse de la pression fiscale est censée constituer le moteur de la croissance. Il renoue par là même avec la tradition économique de la droite française qui, depuis trente ans, a toujours privilégié la réduction des impôts à celle des dépenses publiques. Qui a toujours préféré les chocs fiscaux aux chocs de compétitivité et préféré les politiques de la demande aux politiques de l'offre. Avec le succès qu'on sait.
Illustré par l'abandon de la hausse de la TVA, la baisse de 10 % de l'impôt sur le revenu et le retour à la défiscalisation des heures supplémentaires, le programme des Républicains pour les législatives semble avoir davantage été inspiré par des calculs électoraux peu reluisants que par le souci de remettre l'économie sur les bons rails. Par sa rupture radicale avec le projet de rupture radicale que proposait François Fillon, il rappelle, s'il en était encore besoin, l'inquiétante absence de courage politique, l'attristant manque de renouvellement idéologique et le désespérant conservatisme économique d'une grande partie de la droite française.