[topic unique] LIVRE

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Bagouvic
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Re: [topic unique] LIVRE

Message par Bagouvic »

Jamais lu Women, mais j'avais lu il y a longtemps ses recueils de nouvelles, les Contes de la folie ordinaire, Journal d'un vieux dégueulasse entre autres. Rien que les titres annoncent un peu la couleur. Quasi toute son œuvre est autobiographique ou du moins largement inspirées par son histoire pas très rose, ses obsessions, son penchant certain pour la boisson, son rapport particulier aux femmes. Un auteur de la misère humaine, de toutes les misères, c'est glauque, ça a effectivement de quoi faire bondir certains ayatollahs de la bonne morale, mais c'est un écrivain intéressant quoique un peu répétitif pour ce que j'en ai lu.
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Maman a tort de Michel Bussi

Il faut savoir varier les genres... Ce n'est pas avec ce type de roman que l'on va atteindre les sommets de la littérature, mais c'est toujours intéressant d'essayer de comprendre pourquoi un auteur peut rencontrer un tel écho..

En fait, c'est distrayant, ça raconte une véritable histoire, ça s'inscrit dans un espace bien décrit et déterminé (on voit là le passé du géographe), ça permet de s'évader quelques heures sans trop se casser la tête... Par moment, c'est agréable de tomber sur ce type de bouquins et visiblement il y'a un lectorat assez large pour trouver avantage à ce type de littérature.

Il y'a quand même un souci... S'agissant d'une histoire qui se veut policière, à chaque fois que je tombe sur un bouquin de Bussi, je trouve que tout est cousu de fil blanc... C'est quand même un peu gênant... Alors, certes, on ne connaît pas le détail de tout, il faut reconnaître à l'auteur de véritables qualités d'imagination, mais sur le fond, on sait ce qu'il va se passer... Il faut juste se laisser guider tranquillement, savoir que l'on tombera sur un monde où il y'a quand même de vrais méchants, qu'il peut y avoir des méchants qui ne sont pas si méchants que ça et qui peuvent redevenir gentils, qu'il peut y avoir des gentils qui n'ont quand même vraiment pas de chance.... Il s'agissait d'un livre où le personnage principal était une enfant, c'est peut être pour cela... C'est sans doute un peu court, mais c'est justement la clé du succès....
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Mademoiselle Else par Arthur Schnitzler

Cela faisait très longtemps que je voulais lire cet écrivain autrichien, moins connu que Stefan Zweig, mais écrivant dans un registre assez similaire des nouvelles mettant aux prises l'être humain avec ses pulsions en pleine période de découverte de la psychanalyse à Vienne.

Une jeune fille passe ses vacances dans un bel hôtel avec sa tante. Un télégramme de sa mère l'informe que son père a besoin d'une importante somme d'argent et lui demande de faire appel à un ami du couple en villégiature au même endroit pour lui soutirer cet argent... La jeune fille déjà fort troublée par ladite demande le sera encore plus quand l'aimable vieillard acceptera de remettre l'argent à condition qu'il puisse contempler la jeune fille nue...

C'est un monologue intérieur d'une grande intensité, sur une petite centaine de pages, expliquant en détail les affres de la jeune fille confrontée à la conscience à la volonté de servir ses parents et à se demander comment elle va pouvoir céder à cette demande immorale... Tout se bouscule dans l'esprit de la jeune fille qui essaye de trouver une issue à cette situation dégradante, images qui se bousculent, comportement de plus en plus étrange, jusqu'à la chute finale....

C'est sans doute assez classique, en tout cas cela peut être vu comme cela aujourd'hui, la lente montée vers l'état de folie, la conscience, la piété filiale en dépit d'une demande déshonorante, la lâcheté des adultes censés montrer l'exemple, les impasses dans lesquelles ils se fourvoient... Un peu dramatique aussi mais il faut cela pour marquer l'esprit. C'est fin, subtil, finement décrit, rondement mené... A poursuivre.... :mrgreen:
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Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu

""Il en est dont il n'y a plus de souvenir,
Ils ont péri comme s'ils n'avaient jamais existé;
Ils sont devenus comme s'ils n'étaient jamais nés
Et, de même, leurs enfants après eux"

Siracide, 44, 9

C'est sur ces vers que s'ouvre ce très beau roman récompensé par le Goncourt en 2018. C'est un second roman et la récompense que beaucoup d'écrivains convoitent en dépit d'un prix souvent décrié est méritée, j'ai lu des Goncourt tellement plus mièvres (mais des plus marquants aussi...). L'auteur y a visiblement mis pas mal de lui même, il y'a beaucoup de justesse et de pudeur dans ce qui est écrit.

De quoi s'agit-il? D'une valse initiatique en 4 temps, s'étalant de 1992 à 1998, un chapitre tous les deux ans, de jeunes adolescents devenant jeunes adultes dans la Moselle de la fin du 20ème siècle. Le portrait d'êtres différents, que la vie fait se croiser, dans une région en voie de paupérisation qui essayent d'ouvrir les portes d'une existence qui ne demande qu'à se refermer brutalement sur eux...
Il n'y a ni pathos ni misérabilisme dans ce roman, une vraie justesse sociale en revanche chose qu'on ne trouve qu'assez peu dans la littérature contemporaine. Il y'a aussi de très beaux portraits, justes, vrais, la description d'un monde qui s'effondre dans l'indifférence assez générale, une vie que chacun essaye d'accommoder comme il peut...

Après une ouverture flamboyante, j'ai eu un peu peur que le soufflé ne retombe dans la deuxième partie, plus convenue, où l'on sent un auteur ayant du mal à donner de la consistance à son texte, à faire durer l'évolution de ses personnages... Mais les troisième et quatrième chapitres sont bien menés et la conclusion du livre, peut être un peu sentimentale, où l'auteur s'est peut être senti incarné par le principal héros du roman dans une ode à un territoire que l'on aime malgré la déliquescence du moment. Portrait d'une génération, de sa génération, de la difficulté de devenir adulte quand le monde de ceux-ci paraît fort peu enviable et que l'on se demande comment on va bien pouvoir s'inventer...
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Les aventures d'Augie March de Saul Bellow

Il y'a quand même quelques avantages à être inculte... On croit qu'en ayant lu quelques dizaines de classiques, on a fait le tour de la littérature et que tout ce qui vous reste à lire n'est finalement que divertissement... On s'amuse à parcourir le nom de la liste des Nobel, parfois on tombe sur un nom dont on a entendu parler dans une critique et on se dit, bah, allez on va aller voir de quoi il retourne...

Et là, la claque... Comment a-t-on pu passer tout ce temps sans avoir eu l'idée d'ouvrir un bouquin de Saul Below?... Peut être n'est-ce que le plaisir de la découverte d'une oeuvre, ce qui n'est déjà pas si mal, et qu'on revisitera l'idée que l'on se fait de l'auteur lors d'une deuxième ou troisième lecture pour être vraiment sûr...

En attendant, Augie March est un roman remarquable, admirable, un des meilleurs que j'ai lu dans la littérature américaine... De quoi s'agit-il? La vie d'une famille d'origine juive venue de Russie au début du 20ème siècle à Chicago. Le début parle de la mère (seule), de ses trois garçons, dont un handicapé mental, et d'une grand-mère, pas véritablement grand-mère d'ailleurs qui tient lieu de chef de famille en l'absence d'homme dans le foyer... L'histoire s'étale de l'enfance, à l'adolescence, puis à l'âge adulte des deux frères dont l'évolution sera bien distincte, l'aîné cherchant à s'intégrer totalement à la société américaine en gagnant de l'argent et épousant une femme qui lui permet de réussir dans ses objectifs, le cadet, pris en main par son frère mais trop lucide sur celui-ci et la vacuité de pacotille qu'il lui présente essayant de vivre une vie sentimentale chaotique et des aventures très variées...

J'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'oeuvre, pas tellement à cause du style direct, des mots yiddish, peut être de cette façon très directe d'introduire le sujet, la réalité crue de la vie des Juifs exilés américains... Mais très vite j'ai plongé, plongé par la profondeur de la qualité de la réflexion de l'auteur à travers un roman mené de main de maître, c'est à dire qu'elle ne perturbe pas le déroulé de l'histoire, elle s'invite en elle, la complète, permet de prendre du recul sur les personnages. Bluffé par tous les thèmes qui sont abordés, celui d'une femme seule élevant ses enfants au début du 20ème siècle, celui du handicap du jeune frère et la difficulté d'y faire face, celui de l'éducation de jeunes Juifs dans la réalité scolaire de l'époque, les pages époustouflantes que l'auteur consacre à la grande dépression, et puis, évidemment, le thème principal, la réalité du couple et au-delà de ça, des relations entre les hommes et les femmes....

Une remarque de taille quand même; Augie March est un long roman, pas dans la veine de ce qui est généralement publié, il faut une bonne vingtaine d'heures pour en venir à bout... Mais l'histoire progresse sans peine, l'aventure mexicaine d'Augie March est un passage époustouflant à l'image de la relation passionnelle qui y est décrite et de sa lente décrépitude... Les paysages, le rapace planant au-dessus du plateau mexicain sont des images qui me poursuivent encore...

Une découverte, un enthousiasme certain à lire cet auteur, une oeuvre à explorer bien davantage....
Modifié en dernier par visiteur le dim. 25 oct. 2020 13:46, modifié 1 fois.
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Message par chalon71 »

Quelqu'un a déjà lu "La Timée" de Platon ? Si oui, qu'est ce que vous en avez pensé ?

A vrai dire, je me suis intéressé de prêt à une partie de son œuvre sur la sensibilité et l'intelligibilité. J'hésite à me lancer dans ce genre d'ouvrage philosophique.
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Message par visiteur »

La Timée non, mais le souvenir que j'ai de Platon est assez ludique, quelqu'un qui te faire réfléchir à la représentation des choses, aimant démonter les discours, montrer ce qu'il dissimule, la fausse logique dont on démonte la vacuité en reprenant l'enchainement frelaté du raisonnement (évidemment le sophisme... :mrgreen: ) un souvenir stimulant en fait mais bizarrement je ne l'ai n'ai jamais relu adulte alors que j'avais trouvé ça vraiment intéressant. Il faut pas mal de concentration, suivre les méandres des démonstrations, mais je ne garde pas le souvenir de quelque chose de compliqué à lire.
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Les Ames Fortes de Jean Giono

Du génie du conteur... C'est un roman qui n'a l'air de rien... Un homme s'éteint dans un hameau provençal, 3 vieilles viennent le veiller comme c'était la coutume à l'époque pour que son épouse puisse prendre du repos la nuit... S'ensuit un dialogue entre les 3 vieilles, où la mesquinerie, la moquerie, le mensonge tient une grande part... On se demande où tout cela va nous conduire...

De fil en aiguille, cela va conduire à l'histoire de la vie qu'une des vieilles va être amené à raconter... Cette humble nonagénaire va être amené à se remémorer ses années de jeunesse qui l'auront conduite à faire le mur pour rejoindre son amoureux et partir à l'aventure dans quelques villages voisins... Des aventures, il va y en avoir, mais le génie de Giono n'est pas seulement dans l'imagination débridée dont il sait faire preuve, c'est de raconter l'histoire de la vieille à deux voix, car si celle-ci expose ses souvenirs, une autre, plus jeune d'une vingtaine d'années, va rapporter ce que l'on lui a raconté de l'histoire de la première en la reprenant dans l'exposé de son récit...

Comment en si peu de matière l'auteur parvient à recréer un monde, celui du début du 20ème siècle dans cet arrière pays provençal, comment il sait avec force détails recréer les conditions de l'époque, comment il arrive à créer des personnages dont les aventures banales en elle mêmes vont lui permettre pourtant de passionner le lecteur pour leur déroulé et surtout comment les mêmes choses issues de souvenirs sont contrebalancées par une vision moins idéaliste de ce qui a été vécu mais sans que pour autant que ce récit ait plus de crédibilité que d'autre..

Giono est un immense écrivain, il a une capacité à créer des personnages puissants issus du plus commun de la banalité des êtres, sait les faire mouvoir dans une histoire totalement réaliste qui recrée l'atmosphère d'une époque, va leur faire passer par différentes étapes montrant toutes ses qualités d'imagination mais sait par dessus-tout s'échapper de leur banalité pour toucher à ce qui fait l'essence même de l'être et qu'à près d'un siècle de distance avec ce qui est décrit, paraît si contemporain par la vérité de ce qu'il décrit qui est fondamentalement atemporel...
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Pierre ou les ambiguités d'Herman Melville

Pas eu envie de rester sur la lecture de ce chef d'oeuvre de la littérature qu'est Moby Dick. J'ai voulu voir d'autres créations de cet écrivain considéré comme l'un des grands créateurs de la littérature américaine aux côtés de James, Hawthorne ou encore Twain.

Ce roman est radicalement différent de Moby Dick. Pas d'aventure au long cour sur l'océan, juste une aventure intérieure d'un jeune homme quelque peu exalté qui décide de changer radicalement le cours de son existence lorsqu'il est amené à rencontrer celle qui se présente comme sa demi-soeur. Jusque là le jeune homme vivait une vie rangée devant le conduire à assumer la suite d'une vie marquée par la haute lignée parentale... Une instruction de premier plan, la fréquentation d'une jeune fille procédant de la même haute société, là, tout ne semblait être que calme luxe et volupté...

Juste donc l'irruption d'une autre jeune fille qui se fait connaître sous l'identité d'une demi soeur qui jette un voile sur ce que fut la réalité de l'existence d'un père idéalisé d'autant plus qu'il est disparu prématurément, qu'on ne l'a peu connu et que l'on vit dans le souvenir éploré de sa veuve qui n'est autre que sa mère.. De cette rencontre procèdera la chute de toutes les promesses qui devaient être réalisées par le jeune homme et de tout son entourage....

C'est sans doute un peu 19ème siècle, c'est à dire que l'auteur aime marquer par l'exemple l'histoire d'une chute, on sent donc un peu les artifices du roman de l'époque. Mais il n'empêche, c'est assez remarquable. Outre l'histoire, effectivement romanesque, c'est le portrait d'une société qui est fait, à la fois la vie rurale comme le portrait de la grande ville, New York est décrite sous un jour remarquable. Mais au-delà du roman, il y'a aussi la vision d'un auteur qui s'insert par moments dans la trame du récit, une vision assez désenchantée, sèche, qui montre que la recherche du vrai se heurte invariablement à celle de la société et ceux mus par celle-ci finissent dans l'impasse et la mort...

Petit extrait d'un passage où justement l'auteur dépeint sa vision....

"Dans ces régions hyperboréennes où la Sincérité, la Gravité fervente et 'l'Indépendance mènent invariablement un esprit formé par nature pour la méditation profonde et libre de crainte, tous les objets se montrent dans une lumière douteuse, incertaine et réfractée. A travers cette atmosphère raréfiée, les maximes humaines les plus immémorialement admises commencent à glisser, à fluctuer et finissent par s'inverser, les cieux mêmes n'étant point innocents de cette confusion, puisque c'est surtout dans les cieux que se déroulent ces prodigieux mirages.

Mais l'exemple de maints esprits perdus à jamais parmi ces régions traitresses comme d'introuvables explorateurs arctiques, cet exemple nous enseigne que l'homme ne saurait suivre aussi loin la piste de la vérité sans perdre entièrement la boussole directrice de son esprit; car une fois parvenu au pôle désertique qu'elle désigne, l'aiguille se tourne indifféremment vers tous les points de l'horizon.

Mais les zones de pensée plus accessibles ne laissent pas non plus d'être sujettes à des singulières introversions. Tout homme sincère doué d'un pouvoir de réflexion moyen et accoutumé si peu que ce soit à l'exercer doit été frappé par l'idée qu'après tout, lorsque les personnes optimistes applaudissent avec tant d'enthousiasme ce qu'elles appellent la marche de l'esprit vers la Vérité- c'est à dire l'irruption de la Vérité dans l'Erreur-, la regardant comme le plus grand, le plus fondamental, le plus universel bienfait que l'on puisse demander dans ses prières, presque tout homme pensant, donc, doit avoir été frappé, à un moment ou à un autre, par l'idée qu'une méprise formidable doit se cacher là-dessous, étant que tout le monde ne s'avance pas en troupeau vers la Vérité, mais çà et là seulement quelques individus; lesquels, ce faisant, laissent les autres par- derrière, s'éloignant à jamais de leur sympathie et s'exposant à devenir des objets de méfiance, d'aversion, souvent même- quoique plus secrètement- de crainte et de haine. Comment s'étonner, dès lors, que ces esprits avancés, qui, en dépit de leur avance restent encore mal réglés, comment s'étonner qu'ils soient incités par les provocations qu'ils subissent à se retourner, en se livrant à des actes d'agression inconsidérés, contre des sentiments et des opinions qu'ils ont une fois pour toutes laissés derrière eux? Il est certain que, dans les premiers stades du progrès, particulièrement chez les esprits juvéniles qui n'ont pas encore accepté le monde tel qu'il est inévitablement et tel qu'il sera éternellement, cette agressivité se manifeste presque toujours, pour ensuite, presque toujours, faire l'objet de leurs regrets."
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Message par visiteur »

Lettre à mon juge de Georges Simenon

Retour à SImenon... Il en va parfois de la littérature comme de certains plats gouteux dont on abuse, on en raffole, on en fait des folies et lorsque l'indigestion est là, on s'en détourne...

Simenon remonte à la jeunesse... Un écrivain lu, souvent décrié, dont il n'était pas de bon ton de dire qu'il était l'un des meilleurs... Porté à l'écran, je garde de Jean Richard des souvenirs d'enfance de longs samedis soirs ennuyeux... Un peu plus tard, un film m'éblouit, Serrault, Aznavour, un très grand Chabrol, "Les fantômes du Chapelier"... Seulement voila, pas question d'aller voir le texte, l'idée toute faite qu'il faut une petite oeuvre littéraire pour faire un grand film... Mort de l'écrivain et juste après la période abjecte de la conscription.. S'il ne doit me rester qu'un souvenir de ces mois perdus, c'est ma rencontre avec l'écrivain, au hasard d'un dimanche, consigné pour une mauvaise rhino dans la solitude d'une infirmerie blafarde... Temps à tuer, petit tour dans la salle commune, des livres dans une armoire, tout une palanquée de Simenon... Petit sourire condescendant en coin, mon garçon quitte à perdre ton temps découvre ce minable, tu n'auras pas de regrets de ne l'avoir jamais encore lu ainsi... Je me souviens du titre que ma main prit ce jour là, je le feuilletais, mon sourire devint hilare, un Maigret en plus, avec un titre à la con, "chez les Flamands"...

La claque monumentale du cuistre.... En une petite après midi pluvieuse et sombre, toute la médiocrité qui m'entourait s'évapora dans le génie qui me frappa à ce moment... La description minutieuse d'un monde, une enquête dont je n'ai plus le moindre souvenir mais dont je me souviendrais juste de la justesse de l'introspection de l'âme qui était faite.... S'en suivi quasi une décennie à le lire, Maigret et romans durs confondus, 20, 30, je l'ignore, de toute façon une paille dans les 500 qu'il a pu produire, et donc basta, il faut aller voir autre chose....

Le temps est le juge suprême de l'art... Là où les pseudos spécialistes n'envisageaient qu'un romancier pour lecteur de pas perdus en gare, il fut publié en Pléiade, pseudo consécration française pour la très grande littérature, mais dont il faut bien avouer qu'elle recèle quand même les très grands (mais pas que...). Que dire à quelqu'un qui n'a jamais lu Simenon, que la petite sélection de la prestigieuse édition est celle qu'il faut avoir lu pour avoir le tour de l'écrivain... A vrai dire, je n'en sais rien, il est vrai que les titres sélectionnés sont judicieux, il est vrai que dans une oeuvre aussi vaste il y'a nécessairement du mineur...

Appliqué à mon cas perso, quand j'ai jeté un oeil aux titres déjà lus, j'avoue ne plus me souvenir que de quelques uns, les autres jusqu'à leur souvenir s'est effacé... Mais ceux que j'ai en tête m'ont profondément marqué, outre le premier, celui de l'ouverture, déjà cité, Maigret chez le Coroner est aussi un très grand souvenir, celui d'un Français à l'épreuve d'une enquête en observateur d'un collègue local dont l'objet ne sera que de montrer comment un Européen est étranger à cette société américaine qu'il comprend si mal et dont l'auteur a magistralement observé tant de caractéristiques si pertinentes... "Pédigrée", évidemment, roman totalement atypique, par sa longueur, mais pas si marquant que cela... Je suis allé voir "les Fantômes du Chapelier", mais le charme n'a pas opéré, l'image obsédante d'Aznavour et de Serrault à chaque page ne m'a pas permis de rentrer dans le livre... C'est pour cela que je n'irais jamais lire les Fiançailles de M.Hire autre film admirable avec le couple Blanc/Bonnaire dans la mise en scène remarquable de Leconte... Le plus marquant pour moi reste "la Neige était sale", admirable chronique de la pulsion de meurtre qu'un jeune homme ressent, qu'il veut assouvir au hasard d'une rue dans une nuit froide de couvre feu dans la France sous l'Occupation et dont la victime choisit totalement au hasard, parce que c'était lui parce qu'il était là à ce moment dans cette ruelle sombre, est un officier allemand.... Extraordinaire, un des textes les plus admirables que j'ai pu lire... Simenon, c'est 3, 4 heures pour aller au bout d'une de ses histoires, mais même en si peu de temps, quand on est un grand, on laisse plus de traces que dans des sommes sans fin...

Je ne sais ce qu'il restera donc de mon retour à Simenon après un quart de siècle sans m'être repenché sur son cas... Lettre à mon juge est un classique de l'écrivain, un de ceux qui a été donc retenu en Pléiade et ce fut un véritable plaisir d'être revenu sur le cas Simenon par ce texte... Comme son nom l'indique, il s'agit d'une longue lettre d'un meurtrier qui vient d'être condamné, au juge d'instruction qui a mené l'enquête et dont le criminel sent confusément qu'il pourrait le comprendre, non pourquoi il a tué, mais quel a été l'itinéraire qui l'a conduit à l'inéluctable, celui du crime passionnel, l'histoire de sa vie, d'un homme sans histoire, banal bien qu'il ait su s'élever en réussissant à devenir médecin dans une petite ville de province vendéenne pourtant venu d'un milieu humble, qui conduit une vie maritale terne, alors que son entourage l'envie d'avoir épousé en seconde noces après un veuvage court une femme désirée... C'est du très grand SImenon, dans une forme atypique, celle d'un très long monologue, qui décrit toujours aussi admirablement les univers clos des petites villes de province, leur coterie, leurs rites et la vision qu'a un homme de son existence, de ce à quoi il passe au travers et qui un jour, alors qu'il n'a pas même idée de ce que cela peut être, se trouve confronté avec la passion par l'intermédiaire d'une femme pas même désirable... Passion qui ne peut que détruire l'objet et celui qui en est la proie, totalement désarmé pour pouvoir faire face à ce type de tempête intérieure...

C'est du Simenon, c'est cru, d'une lucidité impitoyable sur l'être, la vie en société, le désir de chercher à être compris de quelqu'un, la mise en abime d'individus qui se côtoient tout en s'ignorant totalement, un des grands maîtres de la séparation des êtres et de l'inanité du lien, un des plus grands surtout qui sonde l'abysse de l'expérience du mal à travers le meurtre et qui n'a pas son pareil pour montrer combien l'immonde est proche de tout un chacun et que c'est justement cette proximité qui en fait l'inacceptable pour la plupart.. Il est temps de revenir aux grands classiques de ce géant des lettres....
Modifié en dernier par visiteur le sam. 06 févr. 2021 19:09, modifié 1 fois.
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Re: [topic unique] LIVRE

Message par visiteur »

Franz Kafka: récits, romans, journaux

Difficile de synthétiser les textes lus... Confronté à l'un des plus grands écrivains du siècle dernier, j'ai décidé de me laisser guider par une édition qui reprend quelques un des exercices auquel le maître tchèque s'est confronté...

Kafka ne vaut pas que par ses romans et ses nouvelles, il a produit aussi quelques esquisses intéressantes avant de se lancer dans les oeuvres de la maturité. Ainsi du titre bref appelé 'description d'un combat" édité en deux manuscrits. Précision des descriptions, la vision d'un aigle observant les moindres faits et gestes dans leur banalité et les liens qui se créent subrepticement entre eux...

J'avais déjà lus quelques nouvelles éditées dans l'édition, très courtes, mais très révélatrice du monde de l'écrivain, comme "Fenêtre sur rue" qui en simplement deux phrases dit tellement de choses...

Moins convaincu en revanche par la reproduction du journal de l'année 1912...

A suivre...
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Re: [topic unique] LIVRE

Message par visiteur »

Vernon Subutex tome 1 par Virginie Despentes

Je ne sais pas si j'ai bien fait de revenir à Despentes par ce texte, non qu'il ne soit pas bon, mais ne suis pas fan des romans à suite... Il y'avait certainement des étapes intermédiaires à réaliser depuis Baise Moi, que je n'ai pas faite, et qu'il faudra sans doute aller voir une fois la série des Vernon terminée, comme les belles choses ou Apocalypse Bébé.

J'avais retenu de son premier ouvrage qui avait fait connaître l'auteur non pas le titre, très rentre dedans, si je puis me permettre (...), mais une énergie dans une langue assez fleurie qui malheureusement tombait un peu à plat dans une histoire qui avait du mal à tenir la distance et des personnages assez sommaires...

Là, c'est beaucoup mieux, on n'est plus sur un premier texte, on voit que le métier fait son ouvrage sur quelqu'un qui a du talent d'écriture c'est incontestable... Bon, il y'a bien des choses qui m'ont horripilé, comme la chute dudit Vernon Subitex dans la décrépitude sociale qui est la trame de fond du roman... C'est d'une telle image d'Epinal, tellement grotesque, qu'on espère que l'auteur n'y croit pas elle même et que cette image n'est qu'une ironie qui se moque des peurs de son lectorat avachi dans son semi confort d'époque... Sinon, ce serait quand même une vision assez ridicule de la vie sociale du moment ce qui ne serait pas totalement non plus une très grosse surprise..

Bref, au-delà de la plongée qui pourrait s'avérer cauchemardesque et qui au bout du compte s'avère plutôt pépère du personnage qui use des mille et une ressources du système D pour s'en sortir, j'ai trouvé quand même le portrait d'une génération, d'un temps plutôt pas mal appréhendé, en tout cas en très nette progression par rapport au premier texte lu. Bon, je ne me tapperais pas les superlatifs des quatrième de couverture extraits de la presse complaisante pour résumer l'oeuvre, mais il y'a du fond... Fond avec lequel on peut ne pas être d'accord, mais qui fait quand même partie de la petite musique d'ambiance de l'époque, en tout cas de l'époque d'avant covid... J'ai trouvé surtout de bons portraits, pas si manichéens que cela, qui illustrent bien le propos général, en fait ce qu'on aime chez un écrivain, une atmosphère qui crée pas mal les conditions du réel...

Il y'a bien des moments où j'ai failli lâcher où j'ai trouvé que l'auteur tournait en rond sur son propos mais les dernières pages sont plutôt bien menées et m'ont donné envie de continuer pour voir où tout cela va nous mener, même si je crains une bérézina finale, mais ça fait partie du jeu... :mrgreen:
Gavia arctica
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Re: [topic unique] LIVRE

Message par Gavia arctica »

Kafka c’est grandiose...j’aimerais pouvoir le lire en allemand, mais c’est trop dur, malgré les liens avec le suédois...c’était ma LV2 mais j’avais le droit de jouer au basket à la place...


je relis, un peu par hasard, La Peste, d’Albert Camus...j’étais vieil ado lorsque je l’ai lu...

j’en suis au tiers du bouquin...je ne pensais pas que cela serait si proche de ce qu’on vit actuellement...
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Re: [topic unique] LIVRE

Message par visiteur »

J'ai abandonné sa lecture lorsque j'étais également ado... Je m'y étais énormément ennuyé...
En revanche j'avais adoré le Hussard sur le Toit qui parle de l'épidémie de choléra en Provence au 19ème siècle... Et ça, qu'est ce que c'est beau...
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Re: [topic unique] LIVRE

Message par visiteur »

Bagouvic a écrit : lun. 10 août 2015 18:22
visiteur a écrit : Tout dans ce récit n’est que métaphore… A ceux qui y voudraient voir une fable écologiste sur la fin de ce monde tant attendu et sponsorisée par ce cher Al Gore (entre autres…) seraient déçus… J'ignore également comment cette oeuvre a pu être adaptée au cinéma tant ce dialogue intérieur me paraît inadaptable, si ce n'est les épisodes du scénario, mais qui sans la profondeur du texte pourraient bien n'être que superficiels... De ce qui s’est passé on ne saura rien, de ce qui va se passer non plus, mais de ce qui se passe sur la route entre le père et son fils, leur environnement, et les autres, on saura tout….
Je vois ton post qu'un mois plus tard, ct'e loose :mrgreen:

Ayant beaucoup aimé le roman et vu le film, ton interrogation résume à peu près ce qu'est le film par rapport à l’œuvre originale. C'est une adaptation fidèle mais qui passe un peu à côté de ce qui fait la force du roman. Les principaux épisodes de l'histoire sont là, la mise en image de cet univers gris apocalyptique est plutôt réussie (la principale qualité du film je pense, avec l'excellente interprétation de Viggo Mortensen aussi), mais à vouloir trop coller il passe à côté de l'essentiel. Loin d'être un mauvais film, certains passages sont même très réussis, mais il ne parvient jamais à prendre une dimension supérieure, la faute je pense à un trop grand respect du support original. Or cinéma et littérature ne fonctionnent pas de la même façon, et les adaptations trop "scolaires" sont rarement de grandes réussites.
Je viens de voir le film, je rejoins totalement ton opinion, c'est une adaptation littérale qui retranscrit pas mal l'atmosphère, les épisodes marquants de l'histoire et en dépit de la bonne interprétation on reste très loin de la force qui se dégage du livre
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