[topic unique] LIVRE

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Obi-Wan
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Re: [topic unique] LIVRE

Message par Obi-Wan »

Bagouvic a écrit : mar. 05 nov. 2019 19:10
chalon71 a écrit : mar. 05 nov. 2019 4:01 On veut imposer à notre pays un système à l'américaine dans les entreprises, j'ai subi ça il n'y a pas longtemps dans mon dernier boulot ( Amazon ), je peux vous dire ça ne donne pas envie de voter capitalisme quand on subit une pression pareille. Mais bon à la limite je préfère ça que la Marine ou Jean Luc au pouvoir...
Ça c'est le génie français, transposer tous les trucs les plus pourris et ne surtout pas s'inspirer de ce qui marche bien :mrgreen:

Enfin je te rassure, pas besoin d'Amazon, le management par extrême pression n'a pas eu besoin des multinationales US pour exister. Grosses boites, petites boites, et même dans l’administration, ça existe. Heureux sont ceux qui ont la liberté de pouvoir rapidement changer d'univers et rebondir ailleurs, mais effectivement je plains ceux qui n'ont guère d'autre choix.
Je pense que quand tu maitrise parfaitement ton boulot (compétences et connaissances) tu ne crains pas la pression,je crois même que tu peux la mettre. ...en tous cas dans l'administration :mrgreen:
L'appétit vient en mangeant,la soif disparaît en buvant (François Rabelais)

La gourmandise commence quand on n'a plus faim (Alphonse Daudet)
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Le Chant du bourreau par Norman Mailer

Je ne sais pas si débuter par ce bouquin était une bonne idée pour commencer à découvrir l'œuvre de Norman Mailer… Pullitzer 1980, c'est le second que l'auteur recevra, chose rare, mais pas inédite…

Je ne sais pas trop si j'aurais choisi ce bouquin si j'en avais connu le thème avant, il s'inscrit dans la ligne de ce que l'on a appelé le nouveau journalisme et retrace les derniers jours de Garry Gilmore, premier condamné à mort américain exécuté après 10 ans de suspension de l'application de la peine capitale aux Etats-Unis entre 1967 et 1977.

Première chose, avant de se lancer dans ce livre, sa taille… Inhabituelle, 1300 pages en format poche, plus de 30 heures de lecture, autant dire qu'il faut être bien accroché si on veut arriver au bout…
Ensuite, j'ai bien évidemment pensé au récit de Capote lu quelques mois plus tôt sur un meurtre commis au Kansas, mais il y'a quand même énormément de différences, outre l'immensité du récit de Mailer: le récit de Capote rapporte un fait divers et s'intéresse à tous les personnages de ce dernier, pas de manière équivalente, mais tout est relaté. Dans le bouquin de Mailer, il n'est quasi exclusivement question que de Garry Gilmore qui de ce fait est le héros du livre, les autres personnages, plus ou moins mis en valeur, restent dans son ombre… Ce qui a quelque chose de gênant s'agissant quoi qu'on en pense d'un meurtrier de droit commun, en tout cas qui peut choquer le lecteur… Enfin, par rapport au livre de Capote, le fait divers avait fait grand bruit au Kansas et un peu alentour, Garry Gilmore est lui connu de tous les Américains, ce fut vraiment l'histoire la plus médiatique de la fin des années 70 là bas….

Que retenir de ce bouquin, qu'en tirer? C'est vraiment un livre qui remue.. ça n'a l'air de rien, mais pendant plusieurs jours vous êtes totalement immergé dans la vie d'un type dont on se demande comment il a pu en arriver là… Le livre ne donne pas de réponse, personne ne peut donner de réponse, mais sa trajectoire interroge, sur l'étrangeté du parcours d'un être humain… Soit donc un individu doué d'une intelligence supérieure, qui ne pourra jamais s'adapter à la société qui l'entoure, qui depuis son adolescence sera interné dans des centres spécialisés, passera des années de rétention, commettra des actes de violence de plus en plus marqués et qui bénéficiera toutefois de la bienveillance à la fois d'une de ses cousines de l'Utah qui acceptera de l'accueillir pour bénéficier d'une liberté sur parole avec l'accord de l'administration pénitentiaire soucieuse de lui offrir une autre chance qu'il sera dans l'incapacité de saisir et basculera une dernière fois dans l'irréparable en tuant deux jeunes gens sans défense avec la plus grande indifférence, sans motif apparent, et ne fera pas appel à l'issue d'un procès bâclé à l'issue certaine et consacrera toute son énergie à ce que la sentence de mort lui soit administrée…

Voila en quelques mots résumé un récit de 1300 pages qui essayent de ne rien laisser au hasard, rentre dans la vie de Garry Gilmore dans les moindres détails, les plus intimes, n'évite rien de ce qu'il est, son intelligence, sa non adaptation au monde qui l'entoure, montre l'inhumanité des conditions carcérales, la suprême hypocrisie de l'administration de la justice aux Etats-Unis, en tout cas ses travers iniques, essaye de comprendre quelles furent ses tentatives de relation avec les êtres qu'il aura connu, sa famille, son frère, être également très doué ayant eu une trajectoire totalement différente et qui écrira lui aussi un récit sur son ainé, et sa dernière maîtresse sur laquelle l'auteur montre la complexité de la relation que Garry Gilmore et elle ont pu entretenir.

Sur 1300 pages, il y'a des longueurs, j'ai eu du mal à accrocher aux pages consacrées à l'aspect médiatique de l'histoire, à ses individus essayant d'approcher le condamné pour retracer ses derniers moments… Il y'a forcément des passages plus forts que d'autres, dans la première partie, la façon dont il n'arrive pas à se conformer à ce que l'on attend de lui, l'impossibilité qu'il a à se fondre à une vie "standard", ses glissements progressifs vers l'inéluctable, la transcription de la violence qu'il ne peut éteindre, les relations biaisées qu'il entretient avec les êtres…

Dans la seconde partie, celle de l'incarcération, ce qui domine c'est la scène de l'exécution, son cérémonial, les heures qui précèdent, le suspens inique pour savoir si elle aura lieu ou pas, la scène finale, les commentaires des bourreaux (fusillade par 4 individus), le froid regard de l'après…

Norman Mailer était un écrivain engagé contre la peine de mort, ses pages ne laissent guère de doute sur le sujet, la façon dont il retranscrit son sujet est réalisé avec moins de brio que le livre de Capote, plus littéral, avec l'envie évidente d'être le plus exhaustif possible sur une histoire qui aura passionné l'Amérique. C'est toutefois une remarquable réflexion sur le bien et le mal, sur l'étroite frontière existante entre les deux, sur le libre arbitre comme illusion mais pourtant bien réel et aussi la peinture au vitriol d'une société dont le matérialisme ne conduit qu'à une misère morale que l'auteur traque sans aménité.
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Mes Amis par Emmanuel Bové

Une œuvre et un écrivain portés disparus depuis les années 20 et qui refait un peu parler d'elle près d'un siècle plus tard…
C'est un ouvrage qui se lit rapidement, presque une nouvelle.. De quoi s'agit-il? Un homme seul essaye de sortir de sa solitude en errant dans Paris et en faisant des rencontres que sa vie de pensionné lui occasionne. Chaque rencontre tourne inéluctablement au fiasco… Non qu'ils fasse peur aux gens qu'il croise, ils l'entourent souvent d'une certaine bienveillance au contraire, mais sa maladresse lui fait détourner toute l'aide qu'il pourrait recevoir…

C'est une petite œuvre bien fichue, bien écrite, très observatrice du comportement humain, qui tourne en dérision la condition de l'homme, ça vaut vraiment le coup d'œil et sans doute aussi de continuer à creuser un peu l'œuvre de cet écrivain méconnu...
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Premier Amour de Sandor Marai

Le titre est trompeur, non dans ce qu'il décrit mais ce dont il s'agit… Ne pas s'imaginer qu'il s'agisse ici de de tourtereaux qui s'amourachent au fin fond de l'Empire austro-hongrois d'avant la chute… Pourtant deux adolescents dans la classe de terminale éprouvent bien les émotions de cet âge mais ce dont il s'agit est un peu comme ce qui est décrit dans le petit roman précédent, la solitude d'un homme mur….

Le roman de Marai est en effet la composition d'un journal intime rédigé par un professeur à quelques années de la retraite vivant quasiment reclus et n'ayant comme contact que la gouvernante qui s'occupe du gîte et du couvert et de ses élèves….

Si le morceau central du roman est la relation trouble qu'entretient le professeur avec les deux tourtereaux, il n'est pas question que de cela mais bien du parcours intérieur d'un homme dont chaque étape le conduit à penser à la vacuité de son existence. Ce constat le conduit à la dépression qu'il décrit avec précision et la façon dont il croit s'en sortir… Mais au sortir de celle-ci, le coup fatal va lui être donné lorsque le lycée où il enseigne depuis des décennies pour des petites classes décide de lui confier la direction d'une classe de terminale. Là où habitué à diriger des jeunes élèves inoffensifs, le voici confronté à des adolescents en pleine pulsion émotionnelle….

Je ne vais pas rentrer dans le détail de l'histoire, l'auteur sachant parfaitement ménager une histoire à suspens. C'est le second roman de Marai que je lis, très différent du premier, mais toujours la même finesse de description des affres des pulsions humaines. Si la conversation de Bolsano faisait la part belle au libertinage et à la façon de mêler la badinerie avec le sérieux, la rivalité et le rapport de forces, l'histoire est ici plus dramatique en ce sens qu'elle engage davantage des êtres en découverte de l'existence qui n'ont pas nécessairement conscience de la perversité des adultes. Le constat de Marai est implacable, ses portraits vraiment bien ficelés que ce soit la psychologie de ses personnages comme la mentalité d'une ville sans importance de l'Empire et le constat de la difficulté de créer des liens comme l'impasse dans laquelle s'enferrent ceux qui s'imaginent pouvoir s'en dispenser...
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Message par Gavia arctica »

je vois pas comment tu trouves le temps de lire en ce moment...:mrgreen:

perso je me suis mis à lire la bible, c’est de la science-fiction, un guide de savoir-vivre et un traité médical je crois...:mrgreen:
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C'est bien, tu attends les fins dernières, va directement à l'Eclesiaste dans la Bible, ça te permettra de mettre en ordre un certain nombre de choses en tête avant de faire le bilan devant ton Créateur... :mrgreen:
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Message par Gavia arctica »

je suis un self-made man...:mrgreen:
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Visiblement la lecture de la Bible n'a pas encore infusé en toi... :mrgreen:
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Message par Gavia arctica »

je suis vacciné...
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Tu veux voir si le vaccin est encore efficace en fait...
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Message par Gavia arctica »

même pas peur...je suis yahvé ton dieu...
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Les Racines du Mal de Maurice G.Dantec

Poursuite de l'exploration de l'œuvre de cet écrivain qui fit grand bruit à la fin des années 90 et dont le premier opus m'avait pas mal séduit…
Jamais très évident de se renouveler après une première œuvre où l'on découvre un univers très particulier…
Forcément l'effet de surprise joue moins, on retrouve des choses, des redites, j'allais dire des obsessions ce qui au bout de deux bouquins est assez troublant quand même…
Je n'aurais pas le mauvais goût de dérouler la trame d'un roman qui demeure policier mais qui visiblement marque déjà un virage de l'auteur vers un autre style, celui de la science fiction qui n'était pas véritablement présent dans son premier. C'est là la nouveauté dans ce gros pavé foisonnant, il y'a un véritable travail de recherche sur l'environnement scientifique et les aides que certains outils peuvent procurer à la recherche policière. J'avoue ne pas connaître grand chose à ce domaine, mais la matière mise en avant par l'auteur est assez convaincante en tous cas à mes yeux de profane…

Pour le reste, on retrouve les grandes qualités de création de l'auteur, des personnages vraiment bien fouillés, très bien travaillés, une histoire dotées de beaucoup de rebondissements, un manichéisme un peu entêtant, la conviction d'appartenir à un monde qui se dirige à un train d'enfer vers le chaos, daté ici du passage de l'an 2000 (bouquin écrit en 1995), chaos qui ne peut qu'aboutir à la destruction d'une certaine forme de civilisation auquel le nazisme s'était déjà attaqué et que presque par inadvertance n'avait pas conduit à sa victoire pleine et entière ce qui cette fois sera réalisé en dépit d'hommes de bonne volonté qui luttent en vain contre le triomphe du mal qui ne peut être qu'inéluctable puisque intrinsèque à la nature humaine…

Je ne sais pas encore si j'irais plus avant dans l'œuvre du sus-nommé, peut être pour voir ce que donne son passage à littérature de science fiction une fois abandonné le genre policier. Mais ce deuxième roman m'a laissé un peu plus sceptique que le premier en ce sens que s'il y'a effectivement toujours une certaine jouissance à se laisser abandonner au flot d'un imaginaire vraiment très agréable, d'une qualité romanesque incontestable, la finalité de ce qui est décrit ne semble elle guère évoluer… Ce n'est pas ce qu'il y'a de plus facile à faire pour un écrivain, c'est même ce qui est le plus difficile et je comprends un peu mieux les difficultés de l'auteur à avoir véritablement marqué son époque au delà de remarquables coups d'éclat et à n'avoir pas su les transformer...
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Nouvelles de Francis Scott Fitzgerald

Rien de tel pendant l'année que de s'adonner soit à la lecture de romans courts, soit à celle de nouvelles. Suffisamment longues pour vous faire quitter un univers, suffisamment courtes pour ne pas prendre plus d'une fin de soirée…
Recueillies sous le joli nom de "Garçonnes et philosophes" dans l'édition des œuvres publiées en Pléaide, il s'agit de 8 nouvelles de jeunesse, publiées entre 1919 et 1920 où Fitzgerald montre avec brio ses qualités de créateur, peint un monde sans illusion, met parfois une ironie distante mais jamais glaçante sur le comportement de ses personnages, montre parfaitement la réalité de la société américaine contemporaine et du ridicule dans laquelle se complaît quelques uns de ses personnages. On y sent parfois une véritable tendresse vis à vis des faiblesses des êtres comme si l'auteur avait déjà pleinement conscience des siennes…

- Le Pirate de la Cote. La plus espiègle de toute, la plus romanesque aussi même si elle fixe bien les personnages dans leur contexte social, une jeune fille paresse sur un yacht que de jeunes gens aventureux s'avisent de prendre d'assaut. Sommée de quitter sur le champ le navire, le charme du pirate de pacotille enjôle la belle qui se laisse conduire sur une île mystérieuse….

- Palais de glace. Une jolie grâce ne s'imagine pas vivre sa vie sous le soleil moite de Géorgie et à la faveur d'une rencontre inopinée avec un jeune homme forcément plus séduisant du Minessota, s'imagine passer sa vie dans les frimas des grands lacs en filant le parfait amour..

- La Tête et les Epaules: une pointure de l'Ivy League entièrement tournée vers l'étude de la philosophie voit une midinette d'opérette lui rendre visite… et en tombe totalement amoureux.. Un savoureux retournement de situation…

- La Coupe de Cristal: Moins aimé celle-ci sans doute trop amère, la peinture d'un couple sacrifiant tout aux convenances sociales dont la vie frelatée glace le sang…

- Bérénice et la coupe à la garçonne: Une jeune fille n'arrive pas à séduire les jeunes gens dans les soirées, se fait prendre à main par sa cousine qui ne cherche en fait qu'à abuser de la situation pour se mettre en valeur…

- Benediction: moins accroché à celle-ci également où une sœur vient chercher auprès de son frère s'apprêtant à rentrer dans les ordres un assentiment moral à un projet totalement amoral…

- Dalyrimple tourne mal: un jeune homme tout auréolé d'un fait d'armes lors de la guerre en France rentre dans son bled en héros… d'un jour. S'ensuit oisiveté, retour à la réalité de la vie quotidienne et vols à la sauvette avant… Une ironie légère sur la réussite à l'américaine…

- Les quatre coups de poing: en forme de fable moraliste, quatre étapes qui ont permis à un individu de se forger un comportement moral en ayant étant sanctionné vertement par son comportement cynique et en reconnaissant ce qu'il y avait d'amoral...
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L'Acacia de Claude Simon

J'ai réussi à aller au bout de ce roman non dénué de charme de Claude Simon alors que j'avais abandonné la lecture de la route des Flandres... J'y suis allé progressivement, comme si je lisais un recueil de nouvelles, jamais plus de 2h consécutives, histoire de ne pas être asphyxié par un style qui n'est vraiment pas ma tasse de thé.

C'est l'histoire d'une famille qui traverse l'époque, celle des deux guerres mondiales, de la colonisation, avec une vision très originale. C'est en fait un kaleidoscope d'emotions, d'épisodes qui vont du 19ème siècle à des épisodes des deux guerres et qui se conclue par l'expérience de l'accouchement à la vocation d'écrivain de l'auteur. Je comprends que l'oeuvre de Simon excite les critiques littéraires comme elle a excité le comité Nobel qui lui a remis son prix en 1985. C'est une oeuvre originale, d'un style particulier, dont le but est moins de raconter que cerner à fleur de peau des émotions, des descriptions, des bruits, le monde extérieur, des images d'Epinal sur lesquelles se fondent souvent une mémoire familiale. C'est un très beau texte où j'ai dû m'employer pour arriver à son terme, car lorsqu'on a compris les ressorts du texte, on n'a plus grand chose à attendre de l'oeuvre si ce n'est finalement un dénouement que je n'attendais pas et que j'ai trouvé sympathique. Un extrait pris au hasard du texte qui donnera une bonne idée du style

"Il ne voit pas les infimes particules de diamant laissées par la rosée sur la partie du pré encore à l'ombre de la baie, il ne sent pas le pas le parfum végétal et frais des brins d'herbe écrasés sous son poids, il ne sent pas non plus la puanteur qui s'exhale de son corps, de ses vêtements, de son linge raidi par la crasse, la sueur et la fatigue accumulées, il n'entend ni les chants d'oiseaux, ni les légers bruissements des feuillages dans l'air transparent. Il ne voit ni les fleurs qui parsèment le pré, ni les jeunes pousses de la baie se balancer faiblement dans la brise du matin, il n'entend même plus les battement déréglés de son coeur et les vagues successives du sang dans ses oreilles. La seule chose qu'il perçoive maintenant (ou tout au moins cette partie efficace de lui-même qui ne connaît pas la peur ou plutôt qui est au-delà de la peur, seulement efficace, pratique)... la seule chose qu'il perçoive, c'est le sourd bourdonnement, à peine audible, qui lui parvient sur sa droite, s'amplifie peu à peu, s'approchant, grandissant encore, et tout à coup il voit à travers la haie le premier déjà tout prêt: quelque chose tout entier en plans et en angles, grossièrement fait de tôles rivetées, semblable à une sorte de crustacé, sauf que ça a la taille d'un camion: aveugle, trapu, dangereux, peint d'une couleur gris fer, vaguement semblable aussi à un cercueil et se déplaçant sur la route dans un ronronnement de moteur bien huilé, suivi d'un second, puis d'un troisième, insolites et irréels dans la fraiche et paisible nature printanière, les trois engins à vingt mètres de d'intervalle environ l'un de l'autre avançant lentement, à peine plus vite qu'un homme à pied, tandis qu'il se tasse encore, arrache précipitamment son casque, cache le bas de son visage dans son bras replié, regarde alors comme au-dessus d'un parapet le premier blindé passer à l'aplomb de la baie, la tourelle ouverte, un buste vêtu de noir émergent de l'orifice, l'une des mains reposant nonchalamment sur son rebord, l'autre élevant par moments jusqu'aux lèvres une cigarette dont les bouffées se dissolvent en petits nuages bleuâtres dans l'air tranquille, les pastilles de soleil déchiquetées par les feuillages glissant sur les blindages, changeant brusquement de niveau, s'étirant ou se contractant aux cassures des plans, escaladant les tourelles, redescendant, comme si chacun des trois engins rampait sous un immatériel tapis tacheté, un immatériel filet de camouflage qu'il soulèverait au passage, distendrait, tiraillerait, après quoi tout reprend sa place, le ronronnement des moteurs décroissant, l'air cessant de vibrer, la minérale odeur d'essence et d'huile brûlée continuant à flotter, puante, dans l'air immobile, puis se dissolvant aussi, le monde, la nature un moment dérangés paisibles de nouveau tandis que toujours couché au pied de la haie il recommence à percevoir la rumeur de son sang, ses muscles se détendant peu à peu, se relevant alors avec précaution, d'abord appuyé sur ses mains, puis à genoux, les yeux tournés dans la direction où le dernier des blindés a disparu, prêtant encore l'oreille, puis se décidant, sur ses jambes maintenant, se remettant à courir, se déplaçant de nouveau à la façon d'un rat le long de la haie, ralentissant à mesure qu'il approche de la route, s'arrêtant, écoutant encore, se penchant au-dessus de la barrière qui clôture le pré, examinant la route déserte, puis, très vite, escaladant la barrière, retombant de l'autre côté et s'élançant.
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Women de Charles Bukowski

Premier livre lu de cet auteur américan assez médiatique. De quoi s'agit-il? De la vie d'Henry Chinaski après la cinquantaine.. Ecrivain à succès, ou plus exactement reconnu, cet auteur à la libido en berne se retrouve tout à coup avoir la possibilité de coucher avec la plupart des femmes qu'il aborde... Pendant 400 pages, il ne va être question que de celà, de la suite ininterrompue de ce que l'on a du mal à appeler des conquêtes vu le peu de mal qu'il se donne à parvenir à ses fins...

J'avoue avoir eu un peu de mal à me motiver pour aller au bout de l'oeuvre... Et pourtant... Bon, il y'a la monotonie, la suite sans interruption d'une vie qui ne semble être faite que d'une succession de coups, où on ne fait guère autre chose que b..., bouffer, déféquer, et accessoirement faire quelques conférences littéraires car pour que tout cela puisse continuer, il faut quand bien même gagner quelques thunes... De la culture vu comme un moyen d'aller dans quelques hôtels chicos avec ses conquêtes, éventuellement en chopper quelques unes sur place si l'on est seul, et ne pas trop se prendre la tête dans ce que l'on raconte sur place...

Pourtant, mine de rien, malgré une monotonie certaine, il faut bien reconnaître un certain charme à l'écriture... Déjà Henry Chinaski a bon goût en terme littéraire... Ensuite, il est assez éclectique dans le choix des femmes qu'il croise, ce qui donne quand même des portraits assez variés de la gente féminine des années 70... Cela donne aussi une très bonne idée de la vacuité de la société américaine, de ce à quoi elle pousse sa population à considérer comme mode d'occupation, des relations totalement vaines entre hommes et femmes, de l'impossibilité du couple auquel d'ailleurs le narrateur non seulement ne s'essaye même pas, mais dont il n'a pas même l'idée même avec des relations qui lui paraitraient plus dans son trip...

Je ne sais pas si ce roman récit de Charles Bukowski est très révélateur du reste de son oeuvre, ce n'est pas dépourvu de charme, dans le cynisme dont il fait preuve à décrire les rapports entre les êtres dans la société contemporaine, dans son réalisme cru, dans une peinture sans complaisance du profond nihilisme de la société contemporaine en peignant sans fard les choses telles qu'elles sont, les valeurs telles qu'elles sont promues, les comportements conformistes qui n'inspirent pas grand chose d'autre que la nausée, l'humour qui affleure toutefois bien davantage que l'ironie... Comme j'ai en plus pris une édition où ses romans sont publiés en intégrale, j'aurais l'occasion de me faire une meilleure idée...

On pourra trouver aussi que l'oeuvre est totalement datée et que d'ici peu, les chiennes de garde morales de l'époque auront vite fait de la faire censurer... :roll:
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